Le 21 Mars dernier, quelques jours seulement après son vol de 1 515 km au-dessus des Pyrénées, Gil Souviron, accompagné de Baptiste Innocent, a réitéré l’exploit en battant le record d’Europe du plus grand vol en planeur, avec un total de 1 702 km parcourus !
Récit de ce vol exceptionnel.
Qu’est ce qui vous a décidé pour tenter de battre ce record ?
Baptiste Innocent : C’est un record d’Europe qui date de presque 10 ans déjà. Avec Gil nous avions déjà fait 1 350km l’an dernier dans ces même conditions, lui 1 500 km quelques jour avant. Il était donc évident que le prochain stade serait celui du record.
Gil Souviron : Ce jour là, la météo prévoyait du 030-040° franchement Nord-Est, soit une très bonne orientation pour les Pyrénées eux aussi orienté vers l’Est. La force du vent était idéale 70 – 80 km/h, les conditions semblaient tenir toute la journée avec suffisamment d’humidité pour avoir des matérialisations de ressauts ce qui est assez rare en vent de Nord-Est habituellement très sec.
Combien de temps a duré votre vol ?
Baptiste Innocent : Le vol a duré 12h45, ce qui paraît long, mais les vols de plus de 10h ne sont pas rares surtout en été. Il m’est déjà arrivé de voler plus de 14h.
Gil Souviron : On a décollé à 06h23 et montée rapidement dans l’exceptionnel ressaut des Albères pour commencer le circuit 25 minutes plus tard à 4400 mètres. Afin d’agrandir le circuit, on tournait systématiquement quelques km plus loin chaque virage, mais il fallait garder de la marge pour le boucler et on ne pouvait pas l’étendre plus à l’Ouest car même en partant de 6000 mètres on devait planer sur notre réserve sur près de 100km entre l’aller et le retour pour reprendre vers 3000 mètres le ressaut.
Finalement sûr de réussir notre circuit sur le dernier glide, au sud du Canigou, on a demandé une clairance pour le niveau 245 soit 7500 mètres pour faire un point 80 km en mer. La contrôleuse nous l’a immédiatement accordé. On s’est arrêté à 7000 mètres dans du 2 mètres ! Et en continuant vers la mer on a atteint 7213 mètres. La température était de -22°C à 6000 mètres et -33°c à 7200 mètres.
Comment doit-on se préparer pour rester plus de 10 heures dans un planeur ?
Baptiste Innocent : Mentalement d’abord, la préparation est importante. Il faut être prêt à passer la journée immobile et au froid. Il faut l’accepter. Penser au retour au chaud le soir, à la satisfaction d’avoir accompli un beau vol aident à supporter l’épreuve. Physiquement ensuite, il faut être prêt dès la veille. Une bonne hygiène de vie et un bon sommeil. Le jour même il faut passer du temps à son installation à bord, son équipement, nourriture et boisson.
Gil Souviron : Le plus grand effort se passe la veille et c’est simplement de prendre la décision de se lever très tôt pour aller voler. Il faut mettre le réveil 2heures à 2h30 avant le jour du vol en fonction de notre distance du terrain soit actuellement 4h30 du matin. Le problème est que les bonnes situations ne se voient que quelques jours avant et se confirment seulement la veille pour le lendemain. On doit se faire violence pour laisser tomber toutes nos activités et “jouer” cette journée en espérant que se soit la bonne. Et souvent les activités professionnelles nous en empêchent mais ce jour là était un dimanche.
Le nuit, veille du vol m’est très compliquée personnellement, car je dors peu, très peu, trop excité par le lendemain. Il m’arrive souvent à 2h du matin de me tourner dans le lit à la recherche de mon premier sommeil. C’est pour moi la phase la plus compliquée du vol d’onde, le pire moment du vol est le couché la veille…
La suite, une fois que le Stemme S12 est prêt, que vous décollez, c’est juste un enchantement. Le soleil se lève à peine, vous inonde enfin de sa lumière, le vario est puissant, c’est du pur bonheur.
Parlez-nous de votre vol. Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
Baptiste Innocent : Que dire des images que nous avons vues tout au long de la journée. Très bonnes conditions au lever de soleil, calme absolu et le sentiment que oui, ça va être possible. Le premier run vers l’ouest, rapide et déjà bien en phase avec la météo. Retour vers l’est, un peu plus lent, mais le point de virage était bien calculé. C’était la première grosse difficulté de la journée, réussie. Nous naviguons vers la Méditerranée avec le soleil de face, et toujours très haut. Enfin la moitié du chemin est faite, et nous sommes en avance. Pas de relâchement mais une grosse confiance.
Deuxième run vers l’ouest, tout aussi rapide que le premier. On sent la fin, on sait qu’on est sur le point de réussir quelque chose de bien. Dernière branche face à l’est, cette fois-ci le soleil a tourné et nous l’avons dans le dos. Il commence à faire froid, les organismes sont fatigués, nous avons un petit moment de doute vers la Seu de Urgel mais il ne dure pas très longtemps.
Alors nous savons que c’est réussi et il nous reste beaucoup de temps. Alors l’idée folle de demander à monter très haut pour planer loin sur la mer pour allonger à 1700km nous traverse, puis devient réalité. Fantastique. J’ai froid, mais je suis heureux !
Gil Souviron : Le survol aussi loin sur la mer était une première pour nous, j’avais déjà fait une vingtaine de km mais pas 80! Mais a priori on savait qu’au retour les conditions seraient identiques à celle de l’aller et avec une composante Est en altitude plutôt favorable sur le retour. A 20 km du point de virage on était encore à 5200 mètres et on a tourné à près de 4700 mètres soit moins de 19 de finesse de l’aérodrome d’Ampuriabrava.
Sur la branche retour, avec le soleil de face et la légère brume qui limitait la visibilité à une vingtaine de km, on se sentait seul au monde.